Et si une autre télé, c'était moins de télé?
800 millions d’euros en moins à cause de
la suppression de la publicité. Un budget raccourci suite à une idée balancée
en coup de vent dans une intervention élyséenne. De suite, la gauche est montée
au créneau : destruction du service public, cadeaux publicitaires à l’ami
maçon… Le projet de loi s’étoffe alors et on voit apparaître la nomination du
président de France Télévisions par le président, l’autorisation d’une
deuxième coupure publicitaire pour les chaînes privées au milieu des films
diffusés. Encore une fois, la gauche, ralliée par une partie de la droite et
raillée par l’autre, dénonce l’autoritarisme gaullien façon ORTF de Nicolas
Peyrefitte. Elle dénonce aussi la même logique qui prévaut à l’OMC, celle de la
marchandisation de la culture, à travers la surexploitation commerciale et la
perte de lisibilité des films sur petit écran.
Cependant, il est une chose que la gauche oublie : elle aussi préconisait la suppression de la
publicité dans ses programmes de campagne de 2007. Sauf que c’est
le président qui le fait… Donc opposition. Et si…
Et si la suppression de la publicité
et la réduction des moyens de France Télévisions étaient les mesures les plus
belles de la droite contre son propre travail d’abrutissement des masses ?
Comment compenser une perte de 800 millions d’euros de budget ? En
supprimant des temps d’antenne. Emettre la nuit, même des émissions
enregistrées, ça fait travailler des salariés !! Est-ce la garantie d’une
vie saine, d’une vie familiale épanouie ? Pas sûr. Et proposer de la télé
à n’importe quelle heure et ne pas encourager les citoyens, les travailleurs à
s’émanciper par eux-mêmes, à faire des activités où ils en sont les acteurs
centraux, c’est ça le progrès ? Soutenir à outrance le service public
quand celui-ci se soumet à des professionnels de l’immondice télévisuelle dont
les émissions trouveraient bien moins leur place sur France Télévisions que
dans un récipient qui doit son nom à un ancien préfet parisien ? Courbet,
Delarue, Dumas, Hondelatte, c’est ça un service public de qualité, c’est ça
qu’il faut défendre face au président? Et si la réduction du budget n’était
pas le moyen d’interroger la politique et les orientations de France
Télévisions ? Il existe un nombre incalculable de jeunes ou de moins
jeunes, plein d’entrain, de projets. On pourrait se séparer des grandes stars
qui coûtent plus cher qu’elles n’apportent et ainsi miser d’abord sur la
jeunesse, la motivation. On peut très bien rechercher un service public qui
permet la détente, le divertissement, l’apprentissage, l’échange, la
découverte, la curiosité, bref tout ce qui constitue l’émancipation de l’homme
par rapport à l’aliénation au capitalisme qu’il subit au travail, dans la
recherche d’un logement, en faisant ses courses… La télé doit et peut devenir
une bouffée d’oxygène pour regarder le monde avec plus de lucidité et d’espoir,
pas un refuge pour s’en couper et se cacher dans des mondes parallèles, dans des
séries américaines ou dans un voyeurisme ventripotent et exhibitionniste qui
flatte le bas intérêt de la fameuse ménagère tant recherché. D’ailleurs, est-ce
vraiment progressiste de cautionner, par cette défense sans questionnement
critique du service public, cette recherche sexiste et machiste d’un idéal
télespectatoriel de femme au foyer élevant ses gosses pendant que le mari
travaille ?
Défendre un service public de la
télévision, vouloir un budget à la hauteur de l’ambition qualitative affichée,
d’accord. Ne pas vouloir engager un débat sur une télé modérée et qui laisse sa
chance à la qualité, c’est refuser d’ouvrir les yeux sur les choix critiquables
et critiqués d’un P. de Carolis qui n’hésite pas à financer, avec nos impôts,
« Service Minimum » ou des émissions avec Max Gallo…